Après deux années marquées par la hausse des taux d’intérêt, la baisse des volumes de transactions et un réalignement des valeurs, le marché immobilier commercial québécois entre dans une nouvelle phase de cycle. Les fondamentaux restent solides, mais les stratégies gagnantes changent : il ne s’agit plus seulement d’acheter et d’attendre l’appréciation, mais de structurer intelligemment ses acquisitions, d’optimiser ses actifs et de cibler les bons segments.
Quatre secteurs se démarquent comme les plus porteurs pour les 12 à 18 prochains mois : le multirésidentiel, le commerce de détail, le développement de terrains et les bureaux.
1. Multirésidentiel : Un pilier solide, mais une croissance plus mesurée
État du marché
Le multirésidentiel demeure la classe d’actifs la plus stable au Québec. L’immigration record, la croissance démographique et un déficit chronique d’unités continuent de soutenir la demande. Cependant, le marché évolue : après des années de croissance rapide, l’augmentation des loyers se modère et les taux d’inoccupation montent légèrement dans les grands centres (Montréal, Laval, Québec) à mesure que les nouveaux projets arrivent sur le marché.
Tendances clés
- Croissance des loyers plus lente : entre 3 % et 4 % par année dans la plupart des marchés.
- Légère hausse des taux d’inoccupation : effet temporaire dû à l’absorption des nouveaux projets.
- Financement stratégique : L’assurance SCHL demeure l’un des leviers les plus puissants pour réduire le coût du capital, notamment pour les immeubles locatifs neufs ou stabilisés.
Stratégie recommandée
- Miser sur des projets à valeur ajoutée : rénovations, repositionnement, reconfiguration d’unités ou amélioration des services.
- Explorer des projets mixtes combinant résidentiel, commerce ou bureaux pour diversifier les revenus.
- Utiliser des structures de financement créatives comme des partenariats LP/GP ou des soldes de prix de vente (VTB) pour faire avancer les projets malgré un coût du capital encore élevé.
2. Commerce de détail : La force du commerce de proximité et des services essentiels
État du marché
Le commerce de détail s’est révélé être l’une des classes d’actifs les plus résilientes après la pandémie. Au Québec, ce sont les centres commerciaux de proximité ancrés par des épiceries, pharmacies, institutions financières ou services quotidiens qui tirent leur épingle du jeu. La combinaison d’une offre limitée, de ventes solides et d’une faible vacance soutient la demande locative.
Tendances clés
- Offre limitée : Les coûts élevés de construction et les processus d’approbation municipale freinent la livraison de nouveaux projets.
- Formats hybrides : Les détaillants adaptent leurs stratégies omnicanales avec des espaces plus petits et mieux situés.
- Attrait des investisseurs : Les actifs ancrés par des locataires essentiels sont privilégiés, même avec des rendements initiaux plus faibles.
Stratégie recommandée
- Cibler les centres de quartier dans les zones de croissance (Rive-Sud, Laval, banlieue de Québec) avec des baux à long terme.
- Explorer des repositionnements : ajout de services au volant, création de bâtiments autonomes ou densification résidentielle sur des terrains sous-utilisés.
- Considérer des conversions vers des usages mixtes lorsque le potentiel locatif est limité.
3. Développement de terrain : Une fenêtre d’opportunité qui s’ouvre
État du marché
Le marché des terrains a fortement ralenti entre 2023 et 2024 en raison des coûts de financement élevés et d’une baisse de l’appétit pour le risque. Cependant, les vendeurs deviennent plus flexibles, les valeurs se sont ajustées à la baisse et la pression pour construire plus de logements crée une fenêtre d’entrée stratégique pour les investisseurs à long terme.
Tendances clés
- Revalorisation : Baisse des prix de 15 % à 30 % dans plusieurs marchés, surtout pour les terrains acquis de façon spéculative.
- Accélération des initiatives municipales : Plusieurs villes facilitent la densification pour répondre à la crise du logement.
- Structures flexibles : Les promoteurs utilisent davantage les partenariats, les paiements échelonnés et les VTB pour limiter les besoins en capitaux initiaux.
Stratégie recommandée
- Acquérir des terrains zonés ou en voie de l’être pour des projets multirésidentiels ou mixtes pendant que les prix sont bas.
- Regrouper des lots pour créer des projets de plus grande envergure, surtout près des grands projets d’infrastructure (REM, prolongements de métro).
- Sécuriser des positions foncières pour des projets industriels ou logistiques à long terme.
4. Bureaux : Le défi de l’obsolescence et l’opportunité de la conversion
État du marché
Le secteur des bureaux est celui qui connaît la plus grande polarisation. Les entreprises réduisent leurs superficies mais recherchent des immeubles modernes, bien situés et offrant des services de qualité. Les bâtiments de catégorie AAA ou A se stabilisent, tandis que les immeubles de catégories B et C souffrent d’une demande faible et d’importants besoins en investissements.
Tendances clés
- Fuite vers la qualité : Les entreprises privilégient des espaces plus petits mais mieux adaptés.
- Conversions en hausse : De plus en plus d’immeubles obsolètes sont transformés en logements ou en espaces mixtes.
- Incitatifs élevés : Les loyers effectifs sont soutenus par des concessions importantes : périodes de gratuité, budgets d’aménagement, conditions flexibles.
Stratégie recommandée
- Cibler des immeubles bien situés offrant un potentiel de repositionnement.
- Rénover, moderniser ou convertir les bâtiments sous-performants pour leur donner une nouvelle vocation.
- Collaborer avec les municipalités pour profiter des programmes d’incitatifs et de densification.
Conclusion : Préparer la prochaine phase du cycle
Le marché immobilier commercial québécois entre dans une période de transition stratégique. Les opportunités existeront pour ceux qui savent lire les nouvelles dynamiques : des investisseurs qui sécurisent des terrains avant la prochaine vague de construction, des promoteurs qui densifient des actifs de détail bien situés, des opérateurs qui convertissent des bureaux obsolètes, ou des propriétaires multirésidentiels qui optimisent leur rendement par l’efficacité opérationnelle.
Les 12 à 18 prochains mois ne seront pas définis par la spéculation, mais par la création de valeur réelle, des structures de financement créatives et une compréhension fine des moteurs de la demande à long terme.
En résumé :
- Multirésidentiel : Stable et porteur, mais exige une gestion plus stratégique.
- Commerce de détail : Résilient et convoité, soutenu par des locataires essentiels.
- Terrains : Une rare opportunité d’achat avant la prochaine phase de croissance.
- Bureaux : Un marché de défis, mais aussi de profondes transformations.